Gaza journal intime #3, 1999-2006 / La ville
À chaque fois que j’ai pu retourner à Gaza depuis mon départ, un sentiment de frustration, de tristesse et d’angoisse m’envahissait, les premiers jours de mon arrivée notamment : combien de choses, en se dégradant, avaient changé pendant mon absence ! Face à l’érosion qui touchait progressivement ma ville, j’étais déchiré entre mon désir de rester (de la retenir) et celui de repartir.
Gaza n’est pas une « belle ville », les chantiers succèdent aux destructions, les vestiges antiques ont pour la plupart disparus, les étalages des magasins débordant de marchandises importées de Chine se bousculent sur les trottoirs, les infrastructures ont été une à une rasées par les raids israéliens, mais photographier ma ville a toujours été important à mes yeux. Le fait d’être né à Gaza nourrit certainement ma fascination pour ce lieu, ainsi que d’autres raisons que je ne saurais préciser. Aussi me suis-je attelé à enregistrer mon quotidien, comme d’autres rédigeraient un journal. Peut-être, inconsciemment, était-ce une manière de résister à l’usure continue en en établissant, à l’occasion de chacun de mes passages, une sorte d’inventaire, une mémoire : capter chaque instant, immortaliser chaque parcelle vivante de ma ville.