Sans titre, 1997
Cette pièce réalisée en 1997 marque un tournant dans ma pratique picturale, une rupture avec la peinture telle que je la pratiquais jusqu’alors. Je me suis en quelque sorte détourné de la forme-tableau, m’intéressant davantage à la peinture comme objet, comme multiple, voire à son extension spatiale comme installation. Ici, la toile dépasse sa fonction habituelle de support non-signifiant sur lequel on peint une scène, on exprime une idée ou un sentiment. Roulée, elle devient – comme chez les peintres du mouvement Support-Surface – un élément nécessaire à la génération du sens, un medium, au même titre que la peinture ou la matière qui la recouvre (ou non).
Réceptacles et vecteurs de mémoire : sur ces vingt rouleaux de toile repose l’empreinte, révélée à la rouille – procédé de reproduction proche de l’imprimerie ou du photogramme –, de vieilles clefs de maison évoquant celles que les Palestiniens de 1948 ont conservées, dans l’espoir d’un possible retour. Vecteurs d’histoires collective et personnelle : cette oeuvre participe d’une série de travaux qui traitent du déplacement, de ma double inscription, entre l’Europe et la Palestine. Ainsi les vidéos Transit (2004) et Départ (2003), l’installation Hannoun (2009) et Sans titre (copie à l’identique de mon trousseau de clefs de Gaza en verre, 2006).
Ces 20 rouleaux imprimés font également référence au poème de Mahmoud Darwish intitulé « Ahmad el Zaater » :
Dans toute chose Ahmed trouvait son contraire
Pendant vingt ans il voyage
Pendant vingt ans il pose des questions
Pendant vingt ans sa mère est en train de le mettre au monde
dans le bananier
Et s’est retiré
Il réclame une identité
Il est frappé par un volcan