Rire, 2014
C’est l’équivalent en arabe du « HAHAHA » latin. Cette tournure usitée sur internet pour signifier le rire de celui qui l’inscrit, devient par la broderie non plus la marque d’un moment éphémère mais se fixe dans le temps. A la temporalité succincte du chat, s’oppose le temps de réalisation de la broderie : cet artisanat minutieux demande de deux à quatre semaines de travail.
Taysir Batniji dévoile, en l’extirpant de tout contexte, la pauvreté de la formule, l’absence qui la caractérise, son ridicule. La spontanéité propre au rire est balayée par le temps, même bref, de traduction du mouvement involontaire en écriture et il perd de ses qualités sonores qui l’individualisent, mais aussi sociales (si l’on pense au rire contagieux).
L’expression standardisée, ce rire perdu, dépouillé de tout particularisme, devient ici un objet unique et précieux. Elle s’inscrit dans la durée, celle de la tradition, à la fois par le savoir-faire qui la concrétise que par sa forme ornementale quelque part entre la calligraphie et l’arabesque. Elle n’est plus seulement à lire mais avant tout à voir, se muant sous nos yeux en un motif végétal, un texte sacré, une plaie cousue de fils d’un rouge profond.