Chambres, 2005
J’ai réalisé cette série de 23 photographies couleur en novembre 2004 au cours d’une résidence de deux mois à l’Ecole des Beaux-Arts du Mans (France). Logé dans une ancienne fonderie Renault investie il y a vingt ans par le Théatre du Radeau, j’occupais l’une des 15 chambres aménagées pour accueillir les troupes invitées, certains intervenants et artistes. Durant mon séjour, la plupart des chambres sont restées inoccupées.
J’ai été interpellé par ces chambres vides, quasi abandonnées, meublées de facon rudimentaire à l’aide de matériaux de récupération : un lit nu, un drap ou une couverture posés à meme un matelas, une table, quelques étagères, une ou deux lampes. Dans ces espaces à la fois personnels – chaque chambre, agencée selon un gout particulier, a son propre style, une ambiance propre – et impersonnels – un panonceau invite le visiteur à rendre sa chambre en l’état, « prière d’inscrire votre nom sur la porte de votre chambre en arrivant et de l’effacer en partant », lui rappelant ainsi son existence passagère en ces lieux –, j’ai tenté de relever les rares traces de présence, révélées ou ressenties à travers le vécu de ses objets singuliers (inhabités ici mais qui témoignent d’une existence passée). Chaque fois que je pénétrais dans une de ces chambres, j’avais le sentiment de m’introduire dans l’intimité de quelqu’un, ce qui me procurait à la fois un sentiment d’excitation et la crainte d’etre surpris par son « occupant ».
Ce travail s’inscrit dans un corpus d’oeuvres « documentant » différents lieux de passage, de transit, d’entre-deux, des lieux où la frontière intime/public est ambigue. Ainsi la série Pères (2006) et les vidéos Départ (2003) et Transit (2004). Il s’agit aussi, comme c’est le cas dans plusieurs de mes travaux, de rendre distinct des espaces où se melent apparition et disparition, présence et absence.